Éléments Ordonnés – Camille Paulhan
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Je ne connais ni Martin Meyenburg, ni Benoît Blanchard. Je n’ai même jamais visité la galerie Laurent Mueller, ni rencontré son propriétaire. Je sais que Martin M. est allemand, que Benoît B. est barbu et qu’un escalier en bois mène à une petite salle dans la galerie Mueller. C’est peut-être bien assez pour commencer à rédiger ce texte introductif.
De Martin Meyenburg, j’ai pourtant vu des sculptures cachées, recouvertes de voiles noirs, à la manière de l’Énigme d’Isidore Ducasse de Man Ray. Il m’a néanmoins été dit qu’il s’agirait ici de dessins, mais je n’ai pu m’empêcher de retenir ses rares œuvres en trois dimensions, soustraites au regard.
Benoît Blanchard s’intéresse également à ce qui disparaîtra bientôt, mais préfère le dévoiler : ses grands dessins bleutés et presque fantomatiques de poutres, de solives et autres rebuts de bois prélevés dans des maisons promises à la destruction sont déjà l’image de ce qui n’est plus. Disparus dans les flammes, les modèles de ces relevés en échelle 1:1 auraient pu former des braises à l’image de celles que l’artiste a pris l’habitude de délinéer dans de petites compositions au trait sûr.
Dans les poutres dessinées de Benoît Blanchard, formant dans la galerie un bûcher imaginaire à venir, les clous se détachent comme autant d’écorchures infligées à un matériau perçu comme inerte. On n’oubliera pas que précédemment, l’artiste avait réalisé de délicats dessins de gnons portés aux visages de personnages anonymes.
Nulle blessure dans les grandes sculptures de Martin Meyenburg : de ce qui se passe en dessous, on ne saura rien.
Camille Paulhan
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Texte écrit à l’occasion de l’exposition Éléments Ordonnés à la galerie laurent mueller en février 2014